Interview dirigeant
Fabrice Mercier (Rapidmooc)
Cette semaine, nous avons rencontré Fabrice Mercier, le dirigeant d'Inwicast, une société d'édition spécialisée dans les studios d'enregistrement vidéo autonomes ("vidéomaton"). Commercialisées sous le nom de Rapidmooc, ces bornes à destination des entreprises ou des universités permettent à leurs utilisateurs d'auto-produire des vidéos de qualité professionnelle à moindre coût. Inwicast emploie aujourd'hui près de 15 collaborateurs et se développe à l'international.

Bonjour Fabrice, peux-tu nous présenter rapidement ton activité ?
À quoi ressemble ton quotidien ?
Comme tout dirigeant, il n’existe pas de journée type. J’essaie d’alterner entre ce que j’aime faire et ce que je suis obligé de faire ! Ce que j’aime, c’est pouvoir consacrer du temps à l’innovation. Mais au quotidien, je dois aussi assurer la direction de l’entreprise. Je dois souvent reprioriser mes activités dans la journée pour résoudre des problèmes.
Heureusement, je ne suis pas seul et je peux m’appuyer sur une équipe compétente afin de m’aider dans cette tâche. J’essaie de déléguer au maximum. Mon rôle est surtout d’apporter la vision à 3 ans. Pour le reste, je me place en support de mes équipes si elles ont besoin de moi pour signer des contrats, faire du support technique, intervenir dans des discussions commerciales ou marketing…
J’essaie aussi de garder un lien fort avec mes clients clés pour identifier les nouveaux besoins et comprendre les décalages des attentes d’un marché à l’autre.
Quelle est la plus grande erreur que tu aies commise en tant que dirigeant ?
Ma plus grande erreur, je l’ai commise sur ma précédente structure : j’avais créé un produit qui était trop en avance par rapport à l’état du marché. J’avais finalisé un mémoire d’ingénieur à l’Ecole Centrale de Lyon sur la dynamisation des événements en utilisant les nouvelles technologies et j’avais développé à l’époque une application de messagerie et de vote via SMS, Wifi et Bluetooth J’ai compris assez rapidement que j’étais arrivé un peu trop tôt sur le marché ! Par exemple, les universités étaient intéressées par la solution mais ne souhaitaient pas déployer une application qui, selon le forfait mobile, n’était pas accessible à tous les étudiants… Quelques années après, l’iPhone et les forfaits illimités sont apparus sur le marché et de nombreuses sociétés ont connu de beaux succès en proposant des quizz, sondages… pour animer les événements. Mais je n’ai aucun regret car l’échec est formateur et sans celui-ci, je n’aurais pas créé Inwicast !
Et ta plus grande réussite ?
Je suis particulièrement fier d’avoir créé une solution qui permet à des personnes d’améliorer leur communication orale face à la caméra. En effet, le principe de Rapidmooc, c’est de pouvoir s’enregistrer en toute autonomie, sans la présence d’intervenants extérieurs. Ainsi, les utilisateurs sont plus à l’aise. Ils peuvent constater en temps réel le rendu de leur intervention et s’auto-corriger. Nous recevons régulièrement des témoignages d’utilisateurs qui se pensaient “nuls en communication” et qui ont, avec Rapidmooc, eu l’opportunité de révéler des talents insoupçonnés. C’est l’une des grande fierté de l’aventure Rapidmooc !
Comment te prépares-tu à l’avenir ? As-tu élaboré une stratégie ? Est-elle matérialisée par un plan d’actions ?
Par rapport à notre vision à 3 ans, nous essayons de déterminer collectivement des axes stratégiques. Mais nous avons encore du mal à les transformer en plans d’actions concrets ou à les matérialiser sous forme de business plan. L’opérationnel guide encore trop notre quotidien et nous essayons de suivre le rythme qui nous est imposé par le marché ! Dans notre métier, nous devons également faire face à des évolutions technologiques ou concurrentielles auxquelles il faut être capable de répondre rapidement et qui peuvent bousculer les plans établis.
Néanmoins nous avons beaucoup progressé depuis deux ans, avec la mise en place d’un ERP, la refonte de notre identité visuelle, un nouveau site web, etc. Mais le développement soutenu que nous connaissons nous empêche de consacrer autant de temps que souhaité à la structuration de l’entreprise. Nous devons faire face à un problème de croissance qui mobilise toutes nos ressources. Paradoxalement, l’année Covid nous a fait du bien. Nous avons eu plus de temps et en avons profité pour structurer notre organisation interne, l’innovation, le marketing…
Parmi nos priorités : le développement de la notoriété, de la prospection commerciale vers de nouvelles cibles comme les PME, l’amélioration de notre communication sur les réseaux sociaux, le développement de nouveaux produits et services (des formations avec le Customer Program Success, des templates de contenus pour nos vidéos, un club d’utilisateurs…) et bien sûr le développement à l’international. Par ailleurs, nous menons actuellement un audit sur la partie commerciale afin d’améliorer la structuration des équipes et des processus et prévoyons une embauche pour renforcer ce pôle.
Comment tes collaborateurs contribuent-ils à la mise en oeuvre de la vision stratégique du groupe ? Et comment cela s’intègre t-il dans ton management ?
Comment fais tu pour rester en lien avec ton marché et les nouvelles attentes de tes clients ?
Il y a un évidemment un travail collectif de veille technologique et d’innovation produit. Pour le reste, nous nous basons essentiellement sur l’écoute de nos clients. Nous essayons de fidéliser et de mettre en valeur nos clients stratégiques qui sont une source d’information précieuse sur les nouvelles attentes des utilisateurs.
Nous nous appuyons sur un groupe d’early adopters, afin d’imaginer le futur et de valider nos orientations stratégiques.
Mais il y a parfois des trous dans la raquette ! Ainsi, au hasard d’une demande de support technique il y a moins de deux ans, nous avons réalisé qu’un client (NDLR : BNP Paribas) avait exploité sa solution Rapidmooc de façon inédite et avec un grand succès sans que nous en soyons informés. Ça a été une révélation qui nous a amené à mieux formaliser les réussites des clients, notamment via des études de cas et des vidéos que nous pouvons ensuite partager à d’autres.
Depuis, nous nous attachons à conserver un lien avec chacun d’entre eux pour mieux comprendre les usages, avoir des retours plus précis sur les gains de productivité et mieux anticiper les éventuelles difficultés de déploiement. Notre service Customer Success Program vise également à nous assurer que nos clients disposent de toutes les informations pour tirer le meilleur de leur studio Rapidmooc.
Quelle est l’action marketing ou commerciale qui t’a permis de franchir un cap et pourquoi ?
Selon toi, à quoi ressemblera le futur des entreprises ?
Si tu devais donner un seul conseil à un dirigeant de TPE/PME, quel serait-il ?
En particulier, en cas de prêt bancaire professionnel, je recommande de ne pas laisser de caution personnelle. Il est toujours possible de négocier avec son établissement bancaire et, le cas échéant, de refuser de s’engager à titre personnel. Les banquiers ne sont pas des investisseurs. S’ils ne suivent pas un projet sans demander une caution, il est préférable de se poser les bonnes questions ou de se tourner vers une autre forme de financement.
Je pense qu’il faut savoir capter les signaux faibles et prendre conscience des chemins sans issus. Rester lucide pour ne pas s’exposer et mettre en difficulté sa famille. C’est un peu contradictoire avec le rôle de l’entrepreneur dont la motivation doit être à toutes épreuves. Mais la persévérance ne doit pas se transformer en obstination.
Ce conseil permet de garder un certain détachement et un équilibre. C’est également une forme d’éthique en termes de gestion d’entreprise. Une entreprise est avant tout une aventure collective dans laquelle chacun doit trouver des bénéfices.
Et pour conclure, qu’est ce qui te donne encore l’envie de te lever le matin ?
Je dirais que c’est l’envie d’ouvrir de nouveaux territoires. La COVID nous a prouvé cette année qu’il était même possible de gérer cette expansion à distance : nous exportons deux fois plus que l’année dernière !
Faire rayonner le savoir-faire français dans d’autres pays, auprès d’institutions et d’entreprises prestigieuses, c’est valorisant. Il y a un petit côté cocorico (rires) : nous sommes en compétition avec d’autres acteurs de classe mondiale sur leur propre terrain et nous arrivons à imposer nos solutions, c’est vraiment motivant. Je crois que c’est ce qui me donne envie de me lever le matin !
